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Accueil - Archives - Regards sur l’Europe - Archives de l’année 2003

Garder le cap de la convention

par Hubert HAENEL, sénateur du Haut-Rhin
Le Figaro, 6 octobre 2003

Au moment de lancer les travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe, Valéry Giscard d’Estaing avait déclaré qu’ils représentaient la « dernière chance de l’Europe unie ». Hyperbole ? Dramatisation ? Je ne crois pas. Et je me demande si ceux qui, aujourd’hui, font la fine bouche devant le résultat de ces travaux ont bien pris la mesure des enjeux.

Depuis la fin du conflit Est/Ouest, et le lancement corrélatif du grand élargissement, l’Europe a perdu beaucoup de ses repères. Elle a besoin d’un acte refondateur, qui resserre des liens menacés de se distendre peu à peu. La construction européenne doit gagner en légitimité pour pouvoir s’affirmer sur le plan politique. Il lui faut aussi des procédures plus efficaces : à vingt-cinq, la décision à l’unanimité doit devenir l’exception, sinon la paralysie est certaine.

Ces exigences ne sont pas nouvelles : elles étaient déjà au coeur du débat européen lors de la préparation du traité d’Amsterdam, il y a près de dix ans. Depuis, deux conférences intergouvernementales (CIG) ont eu lieu. Aucune n’a abouti à l’acte refondateur dont la nécessité était, pourtant, presque uniquement reconnue.

Or, ce que les CIG n’avaient pu faire, la Convention l’a réussi. Bien sûr, le projet de Constitution ne satisfait entièrement personne. Mais il faudra bien un jour accepter l’idée que l’Europe se fait avec des partenaires dont les conceptions ne sont pas moins dignes de respect que les nôtres. L’Europe progresse non pas quand l’une ou l’autre de ces conceptions triomphe, mais quand celles-ci se fondent dans une synthèse qui les dépasse.

Le projet de Constitution redonne du sens à l’Europe. La Charte des droits fondamentaux, qui reçoit pleine valeur juridique, énumère les principes qui sont à la base du pacte européen. Le préambule rappelle les héritages culturels, religieux et humanistes qui fondent l’identité européenne. De nouveaux mécanismes, associant les Parlements nationaux, sont destinés à garantir que les décisions soient prises le plus près possible des citoyens, et que ceux-ci puissent ainsi savoir qui est responsable de quoi.

Les institutions sont réformées en profondeur, pour que l’Europe élargie conserve sa capacité de décision. Le changement de présidence tous les six mois, qui ridiculisait l’Union sur la scène internationale, est renvoyé aux oubliettes de l’Histoire. Le vote à la majorité qualifiée devient la règle pour les décisions du Conseil des ministres, avec très peu d’exceptions. La dispersion des responsabilités, tant au Conseil qu’à la Commission, fait place à une Commission resserrée (quinze membres) et un Conseil avec seulement deux formations décisionnelles (il en a compté jusqu’à vingt et une).

Dans les domaines où, pour répondre à l’attente des citoyens, l’Union doit jouer un plus grand rôle, la Constitution lui donne enfin les moyens d’une plus grande efficacité. Il en est ainsi pour la lutte contre la délinquance internationale. Les instruments de la coopération judiciaire et policière sont renforcés. La reconnaissance mutuelle des décisions de justice devient la règle. Les lois européennes pourront harmoniser, dans la mesure du nécessaire, le droit pénal des États membres.

Il en est également ainsi de l’action extérieure et de la défense. Avec un président stable du Conseil européen, avec un ministre des Affaires étrangères de l’Union doté de larges pouvoirs, avec des coopérations spécifiques en matière de défense entre les pays ayant les capacités requises, l’Union reçoit enfin les instruments de la crédibilité internationale.

On dira qu’en matière économique et sociale, le projet de Constitution ne contient pas d’avancées comparables. Mais ses apports sont loin d’être négligeable : meilleure reconnaissance de la spécificité des services publics, structuration de la « zone euro » avec une présidence stable, intégration au droit de l’Union des principes sociaux contenus dans la Charte des droits fondamentaux.

N’oublions pas aussi que, dans ce domaine comme dans les autres, les vues de nos partenaires n’ont pas moins d’importance que les nôtres. Ceux qui, dans notre pays, se réclament de l’Europe, mais à la condition qu’elle soit une France agrandie, appliquant nos règles fiscales et sociales, et fondant sa politique étrangère sur nos seules conceptions, devront choisir un jour ou l’autre entre cette arrogante chimère et leur attachement européen. On ne fait pas l’Europe en s’exaltant seul dans son coin, mais en allant à la rencontre des autres.

La CIG s’est ouverte samedi à Rome. Ou bien elle acceptera le projet, se bornant à le préciser et à combler ses lacunes : alors, la grande Europe aura une loi fondamentale à sa mesure, qui permettra à l’« Europe espace » de s’organiser et à l’« Europe puissance » de s’affirmer par le biais des coopérations renforcées. Ou bien, le projet sera remis à plat et, inévitablement, de marchandage en marchandage, on aboutira à un texte moins clair, moins cohérent, moins ambitieux.

La Convention associait toutes les légitimités. Elle a travaillé sous la houlette d’un homme exceptionnel, et sans la contrainte de l’unanimité. Comment croire que la Conférence intergouvernementale, si elle recherchait un autre équilibre, pourrait aboutir à un meilleur résultat ? La France comme l’Allemagne ont annoncé qu’elles défendraient le projet élaboré par la Convention tel qu’il est, en tout cas avec des retouches très limitées. S’ils réussissent, les deux pays auront, une fois de plus, rendu un grand service à la construction européenne.

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