Groupe UMP SENAT
Ordre du jour
Lire aussi
Question orale avec débat de Gérard Cornu (Eure-et-Loir) - Application de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises - 20 février 2007
Question orale avec débat de Jean-Paul Emorine (Saône-et-Loire) - Les pôles de compétitivité et pôles d’excellence rurale - 13 février 2007
Question orale avec débat de Gisèle Gautier (Loire-Atlantique) - Prévention et répression des violences - 23 janvier 2007
Agenda
Rechercher
La lettre d'information
Spécificités du Sénat
Nos sénateurs
  Par noms
  Par départements
Europe
  Regards sur l'Europe
  Flash Europe
  Actualités Européennes
International
  Regards sur le monde
  Repères internationaux


Archives
Liens utiles
 
Accueil - Travaux parlementaires - Contrôle de l’action gouvernementale - Questions - Questions orales avec débat
QOAD de Jean-Paul Virapoullé - Création d’un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation

Question orale avec débat de Jean-Paul Virapoullé (La Réunion) - Création d’un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation - 21 février 2007

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 26 rectifié de M. Virapoullé à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur relative à la création d’un observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation

Jean-Paul Virapoullé :

Le rejet par le peuple français du projet de constitution européenne a illustré la constante érosion de l’électorat pro-européen depuis 1973, date du référendum sur l’adhésion de la Grande-Bretagne. Je rappelle que le traité de Maastricht n’a été approuvé qu’à une très faible majorité... Face à ce constat, deux attitudes s’opposent : l’une, irresponsable et antidémocratique, qui considère que le peuple est incapable de comprendre la portée historique de l’œuvre européenne ; l’autre, plus sereine et respectueuse, qui refuse de culpabiliser le peuple et tente plutôt d’analyser les causes de l’inquiétude des Français, qui est partagée par beaucoup d’Européens, voire d’Américains.

L’Europe construite après la guerre a été celle de la paix et de la prospérité. À quoi tient cette perte de confiance des populations ? La prospérité européenne reposait essentiellement sur la préférence communautaire, qui a progressivement été sacrifiée sur l’autel du dogme du libre-échange, incarné par le G.A.T.T. puis, à partir de 1994, par l’O.M.C. La mondialisation, qui n’est rien d’autre, repose sur la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires afin de parvenir à un enrichissement progressif de l’ensemble des pays grâce à la spécialisation de chacun d’eux - c’est le célèbre théorème de Ricardo. Étant entendu, dans les années 1960, que les Américains, les Européens et les Japonais produisaient des biens à haute valeur ajoutée, les pays émergents à faible valeur ajoutée : à nous les carlingues à eux les fringues ! Hélas, cette prévision, fondée sur un faux diagnostic, ne s’est pas réalisée.

Les négociations du G.A.T.T. ont été menées avec arrogance et condescendance, en oubliant le poids démographique de civilisations millénaires. L’Inde et la Chine forment aujourd’hui plus de chercheurs que l’Europe et les États-Unis ; la Chine réussit la greffe du visage, et lance un système de navigation par satellite ; l’Inde prépare un vol spatial habité. L’essentiel du commerce chinois se fait désormais sur les produits high-tech, et la Chine est devenue en 2006 le deuxième investisseur mondial en matière de recherche et développement.

Nous ne pouvons pas reprocher à nos ouvriers de ne pas être compétitifs quand ils sont confrontés à des pays qui ne respectent pas les mêmes règles.

Nous avançons vers une domination de l’Europe et des États-Unis par la Chine, l’Inde et demain la Russie, qui, avec matières premières, surface et population, sera bientôt en position de force. Cette domination, que nous acceptons parfois avec fatalisme, ne tient pas à la faiblesse de notre économie, de notre travail ou de notre industrie, mais à une mondialisation déloyale, cancer qui ronge notre économie.

Celui qui respecte seul les règles est vite le dindon de la farce ! On ne peut pas faire des travailleurs un facteur d’ajustement structurel.

Ce serait s’exposer à une véritable révolte !

Si l’O.M.C. a réussi à éliminer les obstacles tarifaires, il subsiste toutes sortes de distorsions de concurrence non tarifaires, comme le dumping social ou environnemental, lorsque même les États-Unis refusent de ratifier le protocole de Kyoto. On ne peut pas toujours culpabiliser le peuple.

Si le commerce international ne respecte pas des règles loyales, l’économie européenne continuera de se déliter. Je pense aux contrefaçons, aux transferts de technologies obligatoires : les Airbus A320 vendus à la Chine sont assemblés sur place...

Nous sommes à la croisée des chemins. On peut vitupérer les scléroses, dénoncer ceux qui refusent le grand large ; alors, on culpabilise le pays mais on laisse faire. On peut aussi jouer cartes sur table dans la négociation !

Un problème demeurera cependant : nous ne disposons pas d’un instrument de mesure du non- respect des règles de l’O.M.C. Autrement dit, manque le thermomètre pour prendre la température du malade... Dès lors, triche qui veut, qui peut, comme il peut. Nous avons nous-mêmes creusé le fossé dans lequel s’enlisent l’Europe et la France.

Le plus grand fabricant de trains français, qui produit les meilleurs trains au monde, les T.G.V., me disait qu’on lui avait refusé ses locomotives aux États-Unis, au motif que les trains américains transportent de l’armement et relèvent par conséquent du secteur stratégique : pas de locomotives étrangères ! N’y a- t-il pas là déloyauté et concurrence faussée ? Dérèglement tarifaire sournois et hypocrite ? Le canadien Bombardier, lui, a obtenu le marché d’Ile-de-France ! Mais nous ne pouvons soumissionner au Canada...

Et que dire des règles phytosanitaires en raison desquelles les litchis de la Réunion ne sont pas dégustés en Australie.

Chacun fait sa popote dans son coin et impose sa loi. C’est la jungle ! Le plus grave était que la France se désindustrialise : certes on crée des emplois, mais 71 000 ont été détruits cette année. Et 65 % des emplois supprimés ces quinze dernières années l’ont été entre 2001 et 2006. Or la Chine est entrée dans l’O.M.C. en 2001...

Non seulement la mondialisation n’a pas entraîné les bénéfices attendus, mais elle menace notre industrie sur notre territoire. Or, prétendre donner la prospérité au pays sans industrie serait un leurre, que je récuse malgré qu’en aient certains brillants économistes.

Nous proposons donc la création d’un observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation. La moindre des choses est d’observer comment les règles définies au plan international sont appliquées. Sinon, nous prenons la responsabilité de détruire le tissu économique français.

L’information économique en matière de commerce international est aujourd’hui floue, voire inexistante. J’ai tenté récemment d’obtenir auprès de tous les organismes nationaux et communautaires une analyse des effets de la suppression des droits de douane depuis 1957. Aucun n’a pu me communiquer ces données.

Quatre objectifs pourraient donc être assignés à cet observatoire. Le premier serait de dresser la liste des pratiques déloyales, même celles qui ne sont pas répertoriées par l’O.M.C.

Un consensus devra exister sur la notion de « pratiques déloyales », ce qui exige un observatoire indépendant.

Le deuxième objectif serait de quantifier l’impact économique de ces pratiques sur notre tissu économique et notre commerce extérieur. Je songe à la sous-évaluation du yuan chinois... Le troisième objectif serait d’utiliser l’information ainsi collectée pour améliorer la défense commerciale de l’Europe.

Quatrième objectif, créer un indicateur mondial indépendant qui classerait les pays en application des règles commerciales, financières, sociales et environnementales. Je sais, madame la Ministre, que vous êtes particulièrement attachée à cette idée.

Il s’agirait, sur le modèle des agences de notations, de créer un indice composite et d’attribuer une note par pays et par an aux principaux compétiteurs de l’Europe.

L’indépendance serait garantie par la mise en œuvre d’un réseau universitaire européen.

Mieux informé, le grand public se garderait des faux-procès, tel celui fait au plombier polonais, psychose absurde qui a pesé lourdement lors du référendum de mai 2005.

En possession de tous les éléments nécessaires, l’Union européenne serait aussi mieux armée dans les négociations internationales... Quant aux entreprises, elles ne connaissent pas tous les outils juridiques contre les pratiques déloyales. Quel petit patron a connaissance des procédures « ROC » - règlement des obstacles au commerce - ou de la base de données « accès aux marchés ».

Un réseau en ligne, animé par les chambres consulaires et alimenté par les entreprises permettrait un échange fructueux et permanent avec l’État... Lequel pourrait faire valoir des arguments pertinents dans les négociations.

C’est un premier pas vers la souveraineté économique européenne souhaitée par une très large majorité de citoyens européens. Ne soyons pas timides ni hypocrites : les Américains veulent une souveraineté économique américaine au plan mondial, les Chinois une souveraineté chinoise. L’Europe doit viser une souveraineté européenne. Le sort de notre industrie, de nos entreprises, de nos travailleurs en dépend.

-  Retrouver l’intervention de Louis Souvet, Sénateur du Doubs

-  Retrouver l’intervention de Jean Bizet, Sénateur de la Manche

-  Retrouver l’intervention de Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur

Groupe UMP du Sénat© 2006 Mentions légales | Plan du site | Crédits