Groupe UMP SENAT
Ordre du jour
Lire aussi
Intervention de Jean-Jacques Hyest au Congrès du 19 février 2007
Intervention de Patrice Gélard lors du Congrès du 19 février 2007
Intervention de Hugues Portelli au Congrès du 19 février 2007
QOAD de Jean-Paul Virapoullé, Sénateur de la Réunion - 21 février 2007 - Intervention de Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur - Création d’un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation
Agenda
Rechercher
La lettre d'information
Spécificités du Sénat
Nos sénateurs
  Par noms
  Par départements
Europe
  Regards sur l'Europe
  Flash Europe
  Actualités Européennes
International
  Regards sur le monde
  Repères internationaux


Archives
Liens utiles
 
Accueil - Interventions QOAD
QOAD d’André Dulait - Mode de gestion des crises africaines - 5 octobre 2006

QOAD d’André Dulait - Sénateur des Deux-Sèvres - 5 octobre 2006 - Intervention de Michèle Alliot-Marie, Ministre de la défense

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier à mon tour M. Dulait de la qualité de sa présentation et de son étude, et M. Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de l’écoute que chacun lui connaît pour les sujets concernant la sécurité de notre pays et notre défense.

Vous avez choisi, dans ce débat nouveau, d’aborder un sujet essentiel pour nous Français, pour nous Européens, pour nous citoyens du monde.

En 2006, près de la moitié des pays africains sont en état de guerre civile ou connaissent une crise politique grave.

Cela est dû à la montée des rivalités ethniques, qui tient tout simplement au renouveau du nationalisme ethnique dans quasiment tous les pays d’Afrique. Cela est dû aussi, Mme Girardin l’a mentionné, à la course à la préemption des richesses naturelles de l’Afrique. Cela est dû encore, ne le négligeons pas, à l’appétit de certains acteurs, intéressés par le seul profit : trafiquants d’armes, mercenaires et sociétés de mercenaires, trafiquants de tous ordres, grande criminalité.

Parallèlement, en 2006, nous constatons un afflux de plus en plus important d’immigrés clandestins sur nos côtes européennes, qui viennent tout simplement chercher chez nous la sécurité, la liberté, la justice, le bien-être.

En 2006, nous assistons au développement de la violence, qui devient le seul mode de règlement des conflits et de relations dans les pays africains.

En 2006, de la Somalie au Maroc, en passant par le Darfour et le Sahara, nous observons l’émergence de foyers du terrorisme se revendiquant d’Al-Qaida, qui se renforcent, s’arment et se font menaçants. Notre pays, comme d’autres, parfois plus que d’autres, apparaît comme l’une de leurs cibles.

La réponse à ces problèmes ne doit pas être que militaire ; mais elle est aussi militaire.

Nous n’avons pas le droit de nous désengager de l’Afrique. Sans nous substituer aux pays africains, nous devons développer avec eux de nouvelles formes de coopération susceptibles de répondre à ces défis en constante évolution.

Il convient que nous réaffirmions l’engagement de la France en Afrique. C’est un engagement psychologique et moral, mais également économique, physique et militaire.

Ainsi, nous continuons et nous continuerons d’être présents sur ce continent, pour respecter nos obligations, même si nous adaptons notre dispositif.

Notre obligation, comme notre intérêt, c’est d’abord la sécurité de nos deux cent quarante mille ressortissants français et celle de centaines de milliers de ressortissants européens. Je le rappelle, la plupart des opérations que nous avons menées en Afrique au cours des vingt dernières années avaient d’abord pour but de protéger nos ressortissants. Si nous sommes intervenus en Côte d’Ivoire, c’est bien, au départ, pour protéger les ressortissants français, mais aussi européens et mêmes américains - je pense notamment à des collégiens américains -, que nous avons « sortis » des combats et des massacres qui étaient en train de se produire dans le nord du pays.

Nous sommes d’abord intervenus pour eux. Ensuite, nous l’avons fait à la demande des autorités ivoiriennes, avant qu’interviennent, à notre demande, les autres pays africains et l’ONUCI.

Notre obligation, comme notre intérêt, c’est aussi que l’Afrique soit stable et prospère. Sur le continent africain, nos motivations ne sont pas différentes de celles qui nous animent par rapport aux autres parties du monde. Nous voulons, là aussi, la paix, la stabilisation de la sécurité, en particulier celle des populations civiles. Nous apportons notre aide quand surviennent des crises humanitaires et des catastrophes naturelles. Ainsi, tout récemment encore, à la suite du débarquement dans des conditions pour le moins douteuses de certains produits nocifs à Abidjan, nous sommes effectivement allés sur place pour aider les populations.

L’Afrique étant notre première voisine, nos liens humains n’en sont que plus forts. Ce sont bien eux qui nous conduisent à être attentifs à tout ce qui s’y passe et à essayer d’apporter notre aide.

C’est la raison pour laquelle, en nous appuyant sur nos bases prépositionnées, nous sommes actifs, et même réactifs, dans la plupart des crises majeures qui secouent ce continent.

L’implantation de telles bases se justifie d’ailleurs totalement : nous le savons bien, très souvent, surtout dans le contexte que j’ai décrit tout à l’heure, si nous laissons une crise se développer, les solidarités ethniques la rendent beaucoup plus difficile à régler quand il y a déjà eu trop de sang versé.

Le passé récent a encore prouvé l’importance de ces forces prépositionnées en Afrique. Sans elles, les opérations menées en Somalie, au Rwanda, en Ituri, au Darfour et, aujourd’hui, en République démocratique du Congo ou en Côte d’Ivoire n’auraient pas pu être conduites aussi rapidement.

Pour autant, là comme ailleurs, nous adaptons bien entendu en permanence notre dispositif, en tenant compte du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

Les quatre commandements interarmées de Djibouti, de la Réunion, de Libreville et de Dakar, qui ont été créés cette année, sont des outils à notre disposition pour oeuvrer en ce sens. Ces bases pourront ainsi continuer à jouer un rôle majeur dans l’engagement opérationnel des contingents africains : nous les accueillons, nous les équipons, nous les entraînons, et, très souvent, nous les soutenons.

Demain, ces bases accueilleront également des unités, des conseillers et des équipements européens. Notre volonté, en effet, dans le même esprit et selon les mêmes principes qui nous animent, est de faire participer l’ensemble des Européens à la résorption des conflits africains.

Notre volonté est d’appuyer notre action en Afrique sur une politique de sécurité et de défense rénovée, qui passe notamment par l’appropriation par les Africains eux-mêmes de leur destin. Cela constitue vraiment le noeud du problème, afin de pouvoir trouver des solutions pour l’Afrique dans les prochaines années. C’est d’ailleurs aussi le noeud de notre politique.

Par ailleurs, nous devons prendre conscience des nouvelles et légitimes aspirations africaines.

Je le répète, nous ne voulons pas nous substituer aux pays africains, lesquels doivent être à même, sur le plan politique comme sur le plan militaire, d’assurer leur propre sécurité et la paix.

La volonté de la France à l’égard du continent africain est, de ce fait, monsieur Ferrand, sans aucune ambiguïté. Nous n’avons plus, et depuis longtemps, vocation à être le gendarme de l’Afrique. Pour notre part, nous souhaitons éviter les situations de face-à-face et de confrontation, qui sont génératrices de malentendus et de tensions.

Nous voulons placer notre action dans un esprit de solidarité et de coopération internationales. Et c’est bien ce que nous faisons, monsieur Boulaud, car telle est notre conception : soutenir, mais pas nous substituer.

Il se trouve que cela correspond à la volonté des Africains eux-mêmes de prendre en charge leur propre sécurité. Cette volonté est de plus en plus exprimée, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Oui, monsieur Dulait, nous devons prendre en compte les multiples avancées en la matière, tant au sein de l’Union africaine que dans les communautés économiques régionales qui se dotent des mécanismes de sécurité nécessaires. Bien entendu, on ne va pas leur demander d’être capables, du jour au lendemain, de régler tous les problèmes. Il convient cependant de leur laisser de plus en plus la responsabilité des opérations, tout en continuant à les soutenir, mais de plus en plus discrètement.

Cette appropriation par les Africains est un gage de légitimité, non seulement pour eux mais également pour nous, s’agissant des actions de prévention et de gestion des crises en Afrique que nous pouvons être amenés à mener. L’Afrique acquiert progressivement les capacités opérationnelles effectives pour les conduire elle-même.

Mais il nous faut encore aider les initiatives en ce sens, comme le montrent la crise du Darfour, qui est toujours malheureusement une réalité, et les résultats de l’action des forces africaines au Soudan. À cet égard, je ne suis pas de ceux qui dénigrent l’action des forces africaines au Soudan. Je pense, au contraire, qu’il faut les valoriser, les encourager et les soutenir.

Une telle attitude montre bien le renouveau de nos formes de coopération. Aujourd’hui, notre action se fonde sur trois lignes directrices.

Premièrement, nous entendons donner à notre action une véritable dimension multilatérale. Dans cette optique, la France mène depuis plusieurs années une politique d’ouverture vers de nouveaux partenaires, européens mais aussi non européens, qu’il s’agisse des pays du Maghreb, du Machrek et de la péninsule arabique, lesquels sont directement concernés pour des raisons de voisinage géographique.

Bien entendu, notre action est d’abord menée en direction des pays européens. Oui, monsieur Pozzo di Borgo, nous les incitons, depuis quatre ans, à s’investir davantage dans le soutien à l’Afrique, dans le cadre de ces actions. Or, croyez-le bien, ce n’est pas toujours facile. En effet, pour un certain nombre de pays européens, l’Afrique, c’est loin : ils ne perçoivent pas toujours que ce qui s’y passe a et aura effectivement des répercussions sur nous et sur eux.

À l’évidence, lorsque des opérations européennes sont menées en Afrique, la France en est très souvent le moteur, et ce à un double titre. D’une part, elle est l’une des deux plus importantes puissances militaires européennes : par conséquent, quand nous ne prenons pas part à une opération, elle ne se fait pas. D’autre part, peut-être plus que de nombreux autres pays européens, nous avons des liens historiques et humains très forts avec l’Afrique.

Vous l’avez souligné, monsieur Dulait, la dernière opération que nous avons menée et que nous menons toujours se situe effectivement en République démocratique du Congo. Il s’agit, je le rappelle, de la deuxième opération autonome de l’Union européenne en Afrique. La première avait été menée dans ce même grand pays, à l’été 2003, en Ituri, où l’ONU nous avait appelés pour venir à la rescousse de la MONUC, la mission de l’ONU en République démocratique du Congo, qui rencontrait des difficultés eu égard à ses règles d’engagement et à la nature de sa mission.

La République démocratique du Congo est un immense pays avec beaucoup de richesses, qui, par là même, est indispensable à la stabilité de l’Afrique.

C’est la raison pour laquelle il nous a semblé impératif de répondre à la demande de la communauté internationale, pour garantir le bon déroulement du processus électoral dans ce pays, avant et pendant le scrutin.

Cela s’est bien passé pour le premier tour des élections. À l’échelle de ce pays et compte tenu des risques à craindre, nous avons effectivement réussi à éviter des drames majeurs, même s’il y a eu quelques incidents. Tout le monde l’a reconnu, les conditions d’un scrutin transparent et libre ont été obtenues. Dans l’immédiat, il faudra agir de même pour le second tour et pour les jours qui suivront, lesquels seront très importants. Bien entendu, j’en ai déjà parlé avec mes collègues européens ministres de la défense, à la fois dans le cadre strictement européen et, à titre d’information, dans le cadre de l’OTAN.

Oui, nous encourageons l’Union européenne en tant que telle à être plus présente et plus visible dans les organisations africaines, en particulier à l’Union africaine. C’est en effet notre façon de soutenir la « prise de pouvoir » de cette dernière.

C’est une immense responsabilité, à la dimension de nos deux continents. En effet, et cela a été dit, seul un continent peut intervenir en ce domaine, et non un simple pays.

La deuxième ligne directrice de notre politique consiste à favoriser l’engagement aussi autonome que possible des Africains dans les opérations de maintien de la paix.

Nous soutenons ce processus à travers le programme de formation, d’entraînement et d’équipement des forces africaines RECAMP, renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, cité par M. Dulait. Nous avons obtenu, il y a dix-huit mois, à la suite d’une négociation que j’ai menée avec mes collègues européens, que ce programme soit intégré dans l’Union européenne. Je me réjouis que les Vingt-cinq aient accepté le principe d’une intervention de l’Europe dans ce programme, même si seuls certains pays membres, les plus motivés, contribueront à cette action.

Ainsi, l’Union africaine aura les moyens de mettre en oeuvre militairement ses décisions politiques.

De ce point de vue, la situation du Soudan est exemplaire.

Depuis le début de la crise que connaît ce pays, nous avons veillé, notamment vis-à-vis de tous ceux qui souhaitaient intervenir directement, à ce que l’Union africaine soit mise en avant dans le domaine tant des négociations politiques que des capacités d’intervention sur le terrain.

Dans la crise du Darfour, la France intervient en fournissant un important appui humanitaire, mais aussi un appui politique ainsi qu’un appui militaire de soutien, et non de visibilité.

L’Union européenne, quant à elle, apporte un soutien financier - depuis 2004, 242 millions d’euros pour la mission AMIS, African mission in Sudan, via la « facilité de paix » - ainsi qu’un soutien opérationnel comprenant du transport aérien, des planificateurs, des conseillers « police », de la formation, de l’observation du cessez-le-feu. Sur le terrain, un soutien logistique important a également permis aux forces africaines de se déployer.

La troisième ligne directrice de notre action est l’enrichissement de notre coopération bilatérale avec les armées africaines.

L’effort multilatéral que nous accomplissons depuis plusieurs années ne gêne nullement, il ne vient en rien se substituer à des opérations bilatérales auxquelles les pays africains sont très attachés et que nous maintiendrons avec chacune des armées africaines. Ces coopérations bilatérales sont en effet fondamentales pour que ces armées puissent remplir leur contrat opérationnel et agir efficacement à nos côtés pour le maintien de la paix, au sein d’une interopérabilité très utile.

Les accords de défense prévoient, dans un certain nombre de cas, le soutien de l’armée française à la formation, voire une aide sur le plan logistique. Aujourd’hui, certaines clauses de ces accords continuent d’être appliquées, tandis que d’autres ont été abandonnées de facto.

Je dois cependant faire une mise en garde : en remettant sur le métier les accords de défense, nous reverrons certes ce qui a été abandonné, mais nous devrons aussi réviser l’ensemble des dispositifs. Je crains que l’on ne remette ainsi en cause un certain nombre de garanties juridiques et de sécurité dont bénéficient nos personnels et leurs familles. Ces accords de défense concernent en effet également la protection de l’installation des militaires et de leurs familles.

La modification de ces accords risque donc de présenter plus d’inconvénients que d’avantages s’agissant du statut même des militaires.

S’il est possible d’envisager une réactualisation des accords de défense pour modifier ou supprimer des dispositions caduques, nous ne devons le faire que lorsque les circonstances s’y prêtent, c’est-à-dire quand nous pouvons maintenir les garanties dont bénéficient nos militaires sur le terrain.

Nous sommes très attachés à la présence en Afrique de nos militaires, notamment de nos forces prépositionnées ou de celles qui interviennent au titre de la coopération.

Cette présence permet à nos unités d’acquérir, grâce aux contacts personnels qu’elles établissent tant avec les militaires africains qu’avec les populations, une connaissance qui facilite par la suite leur insertion dans le milieu humain des opérations. En effet, dans ce type d’opérations, qui restent militaires, la dimension du contact avec les populations est un facteur essentiel de réussite.

C’est dans le même esprit que nous voulons intensifier notre politique d’échanges de jeunes cadres avec les armées africaines, en immergeant quelques-uns de leurs jeunes officiers dans nos forces et en faisant de même chez eux.

Nous allons aussi mieux prendre en compte la dimension civile du maintien de la paix, ce qui favorisera également les conditions d’une sécurité durable. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé qu’un effort serait fait en direction de la force de gendarmerie africaine et de la réinsertion d’enfants soldats et d’orphelins de guerre. En effet, ce qui compte là aussi, c’est de travailler sur le facteur humain pour stabiliser directement la situation des pays africains.

Il me semble prioritaire de développer cette coopération enrichie, ce qui nous amène naturellement, comme nous le faisons régulièrement au ministère de la défense, à reconsidérer nos méthodes et à nous adapter constamment aux évolutions.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je voulais vous apporter.

Mme Girardin l’a évoqué : aujourd’hui, certains nous demandent de quitter l’Afrique. Ils sont peu nombreux et ont souvent des arrière-pensées bien éloignées de la sécurité, de la justice et du respect des hommes. Ils crient fort pour faire croire à leur nombre. Nos amis africains les écoutent mais, lorsque nous les rencontrons, ils s’excusent en leur nom.

Ceux qui veulent nous faire partir sont ceux qui ont le plus à cacher.

Déni de justice, déni de bien-être, déni de sécurité, déni de transparence, déni de démocratie : voilà ce que recèlent souvent ces appels à notre départ.

Tous ces dénis entraînent l’Afrique dans la misère et la guerre. C’est pourquoi, écoutant ceux qui nous demandent au contraire de rester pour les aider à rétablir la stabilité, la paix et le développement, nous ne pouvons quitter l’Afrique.

Qui peut croire que notre désengagement du Tchad contribuera à la stabilisation de la région ? À cet égard, le passé est révélateur.

Reconnue comme un facteur de stabilité, notre présence oeuvre et doit oeuvrer - c’est notre légitimité - pour la sécurité dans le règlement de la crise au Darfour et dans la zone du Sahel.

En Côte d’Ivoire, M. Ferrand l’a indiqué, l’ONUCI est présente grâce au soutien de l’opération Licorne. L’ONUCI nous a dit très directement, ouvertement et publiquement que telle était d’ailleurs la condition de son déploiement.

Ne nous faisons aucune illusion : sans ce soutien et avec le départ de l’ONUCI, la Côte d’Ivoire connaîtrait de nouveau les luttes et les massacres que nous avons constatés au départ de l’opération. Mais la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays concerné. En effet, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises ici même, toute la région risquerait, par contagion, d’être totalement déstabilisée.

La France inscrit résolument sa politique en Afrique dans le cadre d’un soutien à l’Union africaine et dans le respect de la Charte des Nations unies.

Licorne et l’ONUCI sont au service de la paix. La situation sera de plus en plus tendue à l’approche du 31 octobre, date qui avait été fixée dans le prolongement de la première résolution pour organiser des élections libres et démocratiques. En effet, des affrontements entre les jeunes des différents mouvements sont à prévoir durant cette période.

Par ailleurs, nous le savons, nous disposons d’éléments à cet égard, des provocations sont préparées à l’encontre de Licorne dans l’intention de créer des incidents susceptibles de neutraliser non seulement Licorne mais l’ensemble de l’ONUCI. Nous ne nous laisserons pas intimider !

Notre action est légitime car elle se fait entièrement au profit de l’Afrique, que ce soit en Côte d’Ivoire ou ailleurs.

Cette action est comprise par les Français : les enquêtes dont nous disposons le montrent. Un effort de communication plus important doit sans doute être fait en direction des Européens.

Monsieur le sénateur, vous avez regretté qu’en la matière le Parlement ne soit ni informé ni décisionnaire. Je ferai quelques remarques à cet égard.

Tout d’abord, le Parlement est informé aussi rapidement, aussi souvent et autant qu’il le veut. Je n’ai jamais refusé de venir m’exprimer, que ce soit devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, ou en séance plénière. Par ailleurs, à chaque fois que sont posées des questions qui concernent mon ministère, je viens y répondre moi-même.

Donc, l’information du Parlement existe !

Vous avez ensuite évoqué l’autorisation parlementaire. La décision du Parlement n’intervient qu’en cas de déclaration de guerre. En effet, l’article 35 de la Constitution de 1958 dispose : « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Or nous ne menons pas des opérations de guerre, nous menons des opérations de paix, et toutes nos actions s’effectuent dans le cadre des résolutions de l’ONU ! Depuis que je suis ministre de la défense, nous ne sommes jamais allés faire la guerre, et il en était de même avant que j’occupe cette fonction. La question n’est donc pas celle du respect d’une quelconque règle.

Vous pourriez effectivement proposer que l’on instaure une procédure d’autorisation parlementaire préalable à tout envoi de soldats français sur un théâtre d’opérations à l’étranger. Mais nous risquerions de nous heurter au problème majeur que connaissent plusieurs pays européens et dont nous avons discuté encore dernièrement entre ministres de la défense : à cause de telles procédures, les forces armées de ces pays arrivent parfois sur le terrain quand l’opération est quasiment terminée.

Vous le savez, la réactivité est un élément essentiel de l’efficacité, surtout en matière d’interposition et de maintien de la paix, avant que ne se produisent trop de dégâts de part et d’autre.

Cette réactivité implique en effet que la décision puisse être prise immédiatement. Que se serait-il passé au Liban - puisque vous avez cité cet exemple - si, pour intervenir, nous avions attendu la semaine dernière, moment où le Parlement était de nouveau en session ?

Nous sommes intervenus deux jours après le début de la crise parce que nous avons pu envoyer des militaires, dans le cadre de l’opération Baliste, pour aller chercher nos ressortissants et les ressortissants étrangers.

De même, nous avons pu intervenir dès la fin des hostilités pour apporter, à travers les ponts, de nouvelles possibilités de circulation, alors même que le Parlement n’était pas en session.

Tout cela appelle, à mon sens, pragmatisme, transparence et bonne foi.

Je le répète : je ne me dérobe jamais à une demande du Parlement. Je suis toujours prête à venir m’expliquer totalement sur les opérations, sur la façon dont elles sont décidées et conduites, comme sur leurs résultats.

Pour moi, c’est là, en effet, le jeu de la démocratie, une démocratie à laquelle je suis attachée, une démocratie qui est la marque de fabrique de notre défense, de nos militaires, qui est la marque de fabrique de la France.

Groupe UMP du Sénat© 2006 Mentions légales | Plan du site | Crédits